Le bon coin du décret tertiaire - Astuce n°19 (# en cours de route) |
🚫Décret Tertiaire : Crelat 10 ans pour certains, 5 ans pour toi !
⚡ Réduire les consommations d’énergie dans le tertiaire est un défi… surtout lorsqu’on intègre le dispositif Éco Énergie Tertiaire en cours de route. Primo-assujettis, exploitants déjà en place, bâtiments anciens ou peu performants : les situations varient, mais les obligations restent. Comment définir sa consommation de référence ? Quelles marges de manœuvre entre Crelat (réduction en %) et Cabs (valeur absolue) ? Et surtout, comment utiliser les modulations pour contraintes techniques ou économiques lorsque les objectifs semblent hors de portée ? 👉 Dans cet article, nous décryptons les règles, les cas pratiques et les démarches à entreprendre pour transformer cette contrainte réglementaire en véritable levier de performance énergétique.
Décryptage ⚙️ |
🌍 Contexte général
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Le décret tertiaire impose une réduction des consommations d’énergie (Crelat : -40 % en 2030 par rapport à une année de référence).
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Mais certains bâtiments ou exploitants arrivent « en cours de route » (primo-assujettis après 2021).
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Ces derniers n’ont pas 10 ans pour atteindre -40 %, mais beaucoup moins (ex. assujettis en 2025 → seulement 5 ans pour atteindre 2030).
👉 C’est pourquoi un système de réduction progressive minimale a été prévu (Crelat > -20 % pour une entrée en 2025).
🏗️ Les deux cas possibles
1. Primo Assujetti --> L'exploitant franchit le seuil à un moment donné (par extension de surface, changement d’usage, réorganisation des activités…) → il devient alors assujetti, et sa situation doit être traitée comme un primo-assujetti « tardif ». Concrètement :
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L’activité démarre → l’assujetti n’a pas de consommation passée.
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Il doit prendre comme référence sa première année pleine d’exploitation.
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Juridiquement, c’est clair : on part de zéro.
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Exemple : un commerce ouvre en 2025 → sa référence sera 2026 (première année pleine).
⚖️ Référence juridique : article 3 de l’arrêté du 10 avril 2020 + article R.174-24 du CCH.
2. Contexte d'une exploitation antérieure à l’assujettissement --> Non assujetti pour l'instant mais peut peut être le devenir bientôt (Ex : projet d'agrandissement > 1 000 m², dans 1 an), ou pas :
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Position volontaire : déclarer dès maintenant sur OPERAT, ce qui donne un suivi officiel et une notation Eco Énergie Tertiaire. En d'autres termes : utiliser OPERAT comme outil officiel de suivi de sa performance énergétique !
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Position de non-déclarant : appliquer les principes en interne, sans déposer sur OPERAT → permet de réduire ses charges mais pas de reconnaissance officielle. En d'autre termes : utiliser le dispositif comme méthodologie ou guide en interne.
👉 Autrement dit : ce n’est que si le seuil d’assujettissement est franchi que l'exploitant entre officiellement dans le dispositif. S’il reste en dessous, l’assujettissement ne s’applique pas.
📊 Chronologie d’un exploitant tertiaire
🔹 Avant assujettissement
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Pas encore concerné par le seuil.
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Deux possibilités :
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Volontaire → déclaration sur OPERAT → notation officielle Éco Énergie Tertiaire.
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Non-déclarant → applique les bonnes pratiques en interne → pas de suivi officiel, mais réduction des charges d’exploitation.
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👉 Ici, c’est un choix.
🔹 Après assujettissement (franchissement du seuil)
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L’exploitant devient obligatoirement assujetti.
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Il doit :
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Déclarer sur OPERAT.
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Suivre les objectifs Crelat (-40% ou adapté selon l’année d’entrée) et/ou Cabs (valeur absolue).
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Si nécessaire → demander une modulation (technique, économique, patrimoniale) via un dossier technique.
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👉 Ici, ce n’est plus un choix, mais une obligation légale.
⚖️ Règle d’or :
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Avant le seuil → on peut être volontaire.
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Après le seuil → on est assujetti et on doit appliquer le dispositif.
⚙️ La modulation des objectifs
Quand le bâtiment est ancien ou peu performant, l’exploitant peut demander une modulation pour contrainte technique ou économique. 👉 Cela suppose un dossier technique complet pour justifier pourquoi on ne peut pas atteindre Crelat ou Cabs.
Le processus est :
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On vérifie si on peut atteindre Cabs (valeur absolue).
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Si Cabs est trop ambitieux → on module Cabs.
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Ensuite, on ajuste Crelat proportionnellement à cette modulation (article 10, 3°).
📉 Seuils progressifs de Crelat en fonction de l’année d’entrée
Pour éviter d’exiger –40% si on entre tard, une progressivité a été prévue :
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2021 → Crelat > –36 %
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2022 → > –32 %
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2023 → > –28 %
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2024 → > –24 %
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2025 → > –20 %
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2026 → > –16 %
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2027 → > –12 %
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2028 → > –8 %
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2029 → > –4 %
👉 Exemple : si un site devient assujetti en 2025, son objectif relatif est –20% seulement d’ici 2030.
🧪Cas pratique |
🏢 Exemple : Société ALPHA
📌 Contexte
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Activité : société de services informatiques (activité tertiaire → bureaux).
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Surface exploitée : 2 300 m² de bureaux dans un immeuble construit en 1985.
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Historique : ALPHA occupe ces bureaux depuis 2016, mais jusque-là elle était sous le seuil de 1 000 m².
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Au cours de l'année 2024*, ALPHA dépasse le seuil (agrandissement) → devient assujettie au dispositif Éco Énergie Tertiaire.
🔎 Étape 1 – Détermination de la référence
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Juridiquement, c’est un primo-assujetti → consommation de référence = 1ʳᵉ année pleine d’exploitation post-assujettissement, soit 2025 (arrêté du 10 avril 2020, art. 3).
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Consommation 2025 : 320 kWh/m².an.
📌 *En pratique :
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Si l’assujettissement naît au 1ᵉʳ janvier N → année N = référence.
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Si l’assujettissement naît en cours d’année N → année N+1 = référence.
📉 Étape 2 – Calcul de l’objectif
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Objectif en valeur relative (Crelat) :
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Entrée en 2025 → Crelat = -20 % en 2030
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Cible → 256 kWh/m².an
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Objectif en valeur absolue (Cabs) :
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Catégorie « Bureaux » = 140 kWh/m².an (arrêté Valeurs Absolues VI).
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⚖️ Étape 3 – Choix par OPERAT de l’objectif le plus favorable
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Cabs = 140 kWh/m².an
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Crelat = 256 kWh/m².an
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👉 Crelat est beaucoup plus accessible → ALPHA doit viser Crelat -20 % d’ici 2030.
🛠️ Étape 4 – Plan d’action
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ALPHA est déjà rigoureuse sur son exploitation :
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Systèmes IT optimisés
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GTB (gestion technique du bâtiment) installée en 2022
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Mais le bâtiment est ancien (enveloppe peu isolée, CVC énergivore).
Actions prévues :
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Optimisation des réglages CVC et GTB → gain estimé : -8 %
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Remplacement des luminaires par LED + détecteurs → -4 %
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Sensibilisation des occupants + pilotage IT → -3 %
Total : -15 % → consommation ≈ 272 kWh/m².an
📑 Étape 5 – Blocage identifié
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Pour atteindre -20 % (256 kWh/m².an), ALPHA doit aller au-delà :
→ isolation + changement de CVC → coût lourd, dépend du propriétaire.
⚙️ Étape 6 – Dossier de modulation
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ALPHA monte un dossier de modulation pour contrainte technique et disproportion économique (articles 10 et R. 174-28 du CCH).
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Preuve : elle a mis en œuvre toutes les actions à sa main, mais l’atteinte de -20 % dépend des travaux du bailleur.
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En cas de contrôle, la responsabilité sera partagée → exploitant « bon élève », propriétaire « mauvais élève » (art. R. 185-2 sur les sanctions).
✅ Résultat attendu
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ALPHA sera conforme si elle prouve sa bonne foi et son action.
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Si le propriétaire refuse de rénover, ALPHA sera couverte par son dossier de modulation.
💡Le bon plan |
🏢 Exemple : Entreprise BETA – Primo-assujettie en 2026
📌 Contexte
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Activité : centre de formation (activité tertiaire).
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Surface exploitée : 2 100 m² (donc > 1 000 m² → assujettissement en 2026).
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État initial 2025 :
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Chauffage au gaz ancien (chaudières années 90, peu performantes).
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Éclairage fluorescent.
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Pas de GTB.
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Consommation annuelle estimée en 2025 = 350 kWh/m².an.
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🔎 Étape 1 – Référence réglementaire
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L’entreprise devient assujettie en 2026.
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Sa consommation de référence sera l’année 2026 (première année pleine d’exploitation assujettie).
⚙️ Étape 2 – Le bon plan
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Au lieu de rénover tout de suite en 2025, BETA attend que l’année 2026 démarre.
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En 2026, elle n’a encore fait aucun travaux → la consommation reste 350 kWh/m².an.👉 Cette valeur “gonflée” devient la consommation de référence.
💡 Étape 3 – Mise en œuvre des travaux (après référence fixée)
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Fin 2026 et en 2027, BETA réalise des travaux :
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Remplacement chaudières par PAC → gain -20 %
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Relamping LED → gain -10 %
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Mise en place GTB → gain -5 %
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Nouvelle consommation 2027 : 245 kWh/m².an.
📉 Étape 4 – Comparaison aux objectifs
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Crelat 2030 (entrée en 2026) = -16 % par rapport à 2026
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Cible = 350 × (1 - 0,16) = 294 kWh/m².an.
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Résultat BETA en 2027 : 245 kWh/m².an → déjà largement sous l’objectif 2030 dès la 2ᵉ année !
✅ Bénéfices du bon plan
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Si BETA avait rénové avant 2026 (par ex. en 2025), sa conso de référence aurait été plus basse (ex : 245 kWh/m².an).
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Objectif Crelat 2030 = 245 × (1 - 0,16) ≈ 206 kWh/m².an → beaucoup plus dur à atteindre.
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En attendant que l’année de référence soit “fixée”, elle a gonflé artificiellement sa ligne de départ, ce qui rend les objectifs beaucoup plus faciles à atteindre.
⚠️ C’est 100 % conforme juridiquement : la référence est bien la première année pleine d’exploitation assujettie.
👉 La seule subtilité : il faut que l’entreprise assume d’avoir une année de “forte conso” avant travaux et que ça colle avec son exploitation normale (pas de fraude type chauffage allumé fenêtres ouvertes).
À mettre dans son panier 🛒 |
✅ En résumé, à retenir : en cours de route
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Cas 1 – Début d’activité = assujettissement
👉 Référence = 1ʳᵉ année pleine
👉 Déclarer sur OPERAT
👉 Modulation (technique/éco) possible
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Cas 2 – Activité déjà existante, assujettissement tardif (plus tard)
👉 Référence = 1ʳᵉ année assujettie. Pour éviter d’exiger –40% si on entre tard, une progressivité a été prévue
👉 Deux options d'ici là :
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Entrer volontairement dans OPERAT (notation Éco Énergie Tertiaire)
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Ou appliquer les principes sans déclarer (moins de paperasse mais pas de valorisation)
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La source 📦 |
📖 Source : FAQ : O1 – Q2 – Objectif exprimé en valeur relative Crelat : cas de l’entrée en « cours de route »
Pour les bâtiments anciens, il est possible qu'un primo-assujetti arrive en "cours de route" et, selon la performance énergétique du bâtiment, il lui sera peut-être difficile d'atteindre l'objectif en valeur relative Crelat sur une durée très courte (très inférieure à 10 ans) de réduction des consommations d'énergie (de moins 40% sur la première décennie) par rapport à une consommation d'énergie de référence s'appuyant sur la première année pleine d'exploitation. Quelle est la démarche à suivre ?
C'est pour cette raison qu'à ce jour il est possible de s'appuyer sur la modulation de l'objectif pour contrainte technique mais dont le cadre peut se révéler assez lourd. En effet le cadre général consiste à réaliser un dossier technique, et le processus de modulation des objectifs consiste à justifier la modulation de l'objectif en valeur absolue Cabs (valeur cible commune à chaque catégorie d'activité) puis de procéder à la modulation de l'objectif en valeur relative Crelat proportionnellement à la modulation effectuée sur le Cabs (Cf. 3° de l'article 10).
Cependant, il conviendrait de distinguer les deux situations suivantes :
- L’assujetti débute son activité et n’a pas d’autre possibilité que de s’appuyer sur sa première année pleine d’exploitation** (Cf. 2ème alinéa de l’article 3 de l’arrêté du 10 avril 2020) – Cas juridique avéré : début d’une exploitation concomitante à l’assujettissement.
- L’assujetti menait une activité tertiaire depuis plusieurs années mais il n’était pas concerné jusqu’alors par le seuil d’assujettissement – Contexte d’une exploitation antérieure à l’assujettissement.
** Pour le cas 1, il convient de rappeler qu’il s’agit de primo-assujetti. Ainsi, s’il existait une activité tertiaire assujettie précédemment à cette nouvelle exploitation, la consommation de référence prise en considération correspond à celle du primo-assujetti (Cf. 1° de l’article R. 174-24 du code de la construction et de l’habitation). D’un point de vue juridique, il est difficile de faire un distinguo d’assujettissement entre les deux configurations d’assujettis et de fixer des règles différenciées.
En ce qui concerne le second cas, il est suggéré de :
- Rentrer dans le dispositif dès que possible en tant que volontaire et en déclarant sur la plateforme OPERAT (Voir A1 et Conseil – DC7 et précisément Q4), ce qui permet de bénéficier de la notation Éco Énergie Tertiaire ;
- Ou d’appliquer les principes du dispositif Éco Énergie Tertiaire, sans déclarer sur la plateforme OPERAT, ce qui permet de réduire les charges d’exploitation ;
Quelle démarche entreprendre ? Il convient d’analyser la situation en suivant le logigramme ci-après : cf. FAQ
Dans le dossier de modulation pour contraintes techniques, une argumentation pourra être apportée sur le délai de mise en œuvre des actions qui peut être particulièrement contraignant.
Néanmoins, un contrôle de cohérence sera effectué sur la plateforme OPERAT afin de vérifier que l’objectif en valeur relative Crelat n’est pas inférieur à l’application d’une régression linéaire en fonction du nombre d’années "disponibles", à savoir :
Entrée dans le dispositif en 2021 Crelat > -36 %
Entrée dans le dispositif en 2022 Crelat > -32 %
Entrée dans le dispositif en 2023 Crelat > -28 %
Entrée dans le dispositif en 2024 Crelat > -24%
Entrée dans le dispositif en 2025 Crelat > -20 %
Entrée dans le dispositif en 2026 Crelat > -16%
Entrée dans le dispositif en 2027 Crelat > -12 %
Entrée dans le dispositif en 2028 Crelat > -8 %
Entrée dans le dispositif en 2029 Crelat > -4 %
A titre d’exemple, sur la base d’une hypothèse d'entrée dans l'assujettissement en 2025 :
- Cas 1 - Exploitant peu rigoureux : celui-ci pourra atteindre facilement l'objectif Crelat en menant des actions d'exploitation rigoureuse et en intégrant de la gestion active.
- Cas 2 - Exploitant rigoureux : Il va aménager de façon raisonnée et mettre en place des équipements de process performant. Il pourra atteindre l'objectif en valeur absolue Cabs s'il est dans un bâtiment présentant une bonne performance énergétique.
Si l’exploitant de l’activité tertiaire se trouve dans un bâtiment de faible performance énergétique, cela pourra se révéler plus délicat.
- Cas 2a : Cabs > Crelat (-20%) : L’assujetti s'oriente vers le Cabs et il n'aura d'autre alternative que de travailler sur l'enveloppe et les systèmes techniques bâtimentaires (Cf. relation avec le propriétaire). Néanmoins, il pourra difficilement atteindre Cabs car il a une gestion rigoureuse et des équipements de process performants. La solution sera la modulation pour contrainte technique (délai) et peut-être disproportion économique.
- Cas 2b : Crelat (-20%) > Cabs : L’assujetti s'oriente vers le Crelat et, de la même manière que dans le cas 2a, il n'aura d'autre alternative que de travailler sur l'enveloppe et les systèmes techniques bâtimentaires...donc même démarche à ceci près qu'il devra établir un dossier de modulation pour s'orienter vers un Cabs modulé avec un propriétaire qui s'engage dans la démarche. Si le propriétaire ne s'engage pas dans la démarche l'assujetti ne pourra pas atteindre l'objectif mais il aura tout mis en place de son côté et seule la responsabilité du propriétaire pourra être engagée (Cf. procédure de sanction visée à l’article R. 185-2).
Pour résumer, dans les cas d'école présentés ci-dessus, le cadre du dispositif Éco Énergie Tertiaire peut se révéler plus contraignant pour les « bons élèves » s'ils intègrent un bâtiment peu performant, car ils devront se justifier même s'ils ont tous les éléments par devers eux. Il s'agit de cas d'école. Le dispositif Éco Énergie Tertiaire a modifié les rapports de force sur le marché immobilier en prenant en considération la valeur verte des locaux. Les exploitants devront veiller à privilégier les bâtiments performants ou alors ils devront intégrer qu'ils auront certainement à justifier leurs résultats s'ils intègrent un bâtiment de moindre performance énergétique.
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